Interview Vincent Tong Cuong

Publié le par footballligue1

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- Pouvez-vous nous présenter votre parcours professionnel ?

 

Vincent Tong Cuong : "Alors je ne suis plus tout jeune, j'ai un parcours de travail qui est un mélange dans le monde de l'entreprise normal et dans le monde du sport. Après des études dans une école de commerce, j'ai démarré dans le groupe Unilever dans lequel je suis resté un peu plus de deux ans et à la suite duquel j'ai souhaité faire autre chose car je voulais travailler dans l'univers du sport. Jai donc postulé au comité français d'organisation de la coupe du monde 1998 et j'y suis rentré tout début 1995. C'était très intéressant car j'ai vraiment vécu l'organisation d'une coupe du monde du début jusqu'à la fin. A l'issu de la coupe du monde 1998, je suis rentré pour créer la direction du marketing et des médias de la Ligue de Football Professionnel parce qu'à l'époque la Ligue n'en avait pas. C'était quelque chose de nouveau, qui avait été apporté, insufflé, par France 1998 et la professionnalisation du monde du sport. Je me suis occupé de cette direction pendant un peu plus de deux ans et je gérais notamment les droits télés de la Ligue de Football Professionnel, de la Coupe de la Ligue et de tous les droits marketing de la ligue. A la suite de cette expérience, j’ai souhaité partir quand Noël le Graet a perdu les élections, puisqu’il avait perdu son poste au profit de Gérard Bourgoin. J’ai préféré ne pas rester et je suis rentré dans le groupe Disney ou j’étais directeur marketing et communication de Disney chanel et puis je suis revenu dans le monde du football par Noël le Graet qui m’a demandé, deux ans après, de reprendre la direction générale de son club, Guingamp au tout début de la saison 2002-2003. Je suis resté à Guingamp deux ans pour après rejoindre St Etienne comme directeur général. Je suis resté six saisons à St Etienne. Ensuite je suis rentré dans le groupe Lagardère d’abord chez Sportfive à l’international toujours comme Directeur Général puis comme Directeur Général de Sportfive France depuis le mois de novembre 2011".

 

- Quels étaient vos rôles à Guingamp et à St Etienne plus précisément ?

 

Vincent Tong Cuong : "Le rôle d’un directeur général de club est de gérer tout ce qui ne concerne pas le sportif ou la mise en place de l’équipe sportive. Le rôle d’un directeur général, ça va de gérer normalement une entreprise donc les comptes, les ressources humaines, le marketing et la billetterie et je dirai quant au sportif, ça va jusqu’à la négociation des contrats de joueur, la négociation des transferts mais après ça s’arrête là. Le reste c’est le rôle de l’entraîneur et du directeur sportif. Le directeur général gère tout ce qui est à côté du terrain du football et donc toute la partie business, négociation, finance".

 

- Quels souvenirs gardez-vous de vos deux expériences en club ?

 

Vincent Tong Cuong : "J’en garde un très bon souvenir. C’est des jobs qui prennent beaucoup de temps, vous n’avez pas de weekend, les gens pensent que c’est la vie rêvée mais il faut faire beaucoup de sacrifices néanmoins parce que tous les samedis vous êtes sur les stades pour suivre votre équipe donc quand on commence à avoir une vie de famille ce n’est pas évident. Sinon j’en garde tout de même de bons souvenirs. A Guingamp, j’ai eu la chance d’être à l’époque de la grande équipe de Guingamp ou on avait quand même Didier Drogba et Florent Malouda qui jouaient dans l’équipe ce qui était quand même exceptionnelle pour une équipe comme ça même si c’était au tout début de leurs carrières. On voyait déjà qu’ils iraient loin et c’est vrai que cette année-là, à eux deux, ils avaient du marquer une trentaine de buts donc forcément pour une petite équipe qui est censé jouer le maintien avoir des attaquants comme eux qui marquent trente buts, ça permets de faire une bonne saison. On a fait une saison historique, on était deuxième à la trêve enfin c’était vraiment super ! A Saint-Etienne, j’y garde aussi de très bons souvenirs puisque c’est une vraie ville de football avec beaucoup de ferveur. 35 000 spectateurs dans le stade, le chaudron et une pointe de fierté puisque lors de mon passage les comptes du club ont été vraiment et de manière importantes solidifiés alors que ce n’était pas le cas quand je suis arrivé en poste. Le club était à la rue, à la ramasse et puis surtout la fierté d’avoir fait partie de l’équipe qui a ramené le club en Coupe d’Europe alors que ce n’était pas arrivé depuis 26 ans et d’avoir maintenu durablement le club en première division alors qu’il faisait l’aller-retour entre la première et la deuxième division. C’est ça l’héritage maintenant à St-Etienne et je pense que c’est un club qui, à terme, doit jouer le top 4, le top 5 car c’est dans l’ADN de ce club de jouer durablement et régulièrement la Coupe d’Europe".

 

- Le secteur d’activité le plus représenté sur les maillots est celui des collectivités locales qui représentent pas moins de 17% des sponsors maillots. J’aimerais savoir quel constat faites-vous de ce chiffre qui est finalement énorme ?

 

Vincent Tong Cuong : "Ça veut dire qu’il reste tout de même 83% dans le sponsoring maillot donc ce n’est pas la plus grosse partie. Maintenant que les collectivités locales investissent dans les clubs, on va dire que c’est plus historique. Ca n’est pas pour moi un gros problème que les collectivités locales investissent sur le maillot comme ailleurs. Il y a des collectivités locales qui vont prendre des loges, de la billetterie. Pour moi c’est dans la continuité de l’histoire des clubs de football en France qui au départ étaient des associations de loi de 1901. Après ce sont devenus des associations de loi de 1901 renforcée pour devenir au final des SAOS, des SASP etc… et depuis toujours les collectivités locales ont voulu s’investir dans le football professionnel. Et quand on parle de collectivités locales, il faut entendre le conseil général, le conseil régional et les mairies. Maintenant il faut savoir que ces montants sont plafonnés par la loi, il me semble que c’est depuis la loi Buffet de mémoire. Donc le fait que les collectivités locales soient présentes de manière importante … 17% ça ne me parait pas déterminant car il reste tout le reste. Le football restera toujours quelque chose de nécessaire à la vie d’une ville, d’un département ou d’une région, même s’il est professionnel et même s’il appartient à des capitaux privés".

 

- En ce qui concerne les équipementiers, ces derniers versent 330 millions d’euros aux cinq plus grands championnats européens en 2011-2012. Et sur ces 330 millions d’euros, la France ne totalise que 25 millions d’euros de recettes de la part de ces équipementiers. Comment cela se fait-il ?

 

Vincent Tong Cuong : "Je ne sais d’où vous sortez vos chiffres".

 

- C’est Sport market qui a sorti une étude dessus.

 

Vincent Tong Cuong : "Pour moi les chiffres sont faux. J’ai en tête les contrats de trois grands clubs français avec des équipementiers et ce sont des clubs que nous avons sous contrat et le montant contrat équipementiers est supérieur aux chiffres que vous m’annoncez. Pour moi, le montant va bien au-delà de ça maintenant il est vrai qu’il y a un décalage en terme de montant de ce qui peut être versé entre l’Angleterre et la France ou entre l’Allemagne et la France ou même entre l’Espagne et la France. Maintenant, ça me paraît logique. En Espagne si on met de côté, le Real de Madrid et Barcelone, les deux éléments exceptionnels de la Liga, je ne suis pas certain que des clubs comme Levante, Malage ou Getafe aient des contrats supérieurs aux clubs français. En Italie, c’est la même chose, si on met de côté, l’AC Milan et l’Inter Milan et encore je connais le contrat du Milan, je peux vous dire qu’il y a des clubs français qui ont des contrats équivalents à celui du Milan avec Adidas ou pas loin en tout cas. Mais la différence n’est pas très importante. Le vrai décalage, il se fait oui en Allemagne, quoique, mais surtout en Angleterre. Mais en Angleterre c’est un autre business. Demain Liverpool va de mémoire signer un contrat de sponsoring avec Warriors pour un montant de 25 millions d’euros par an, le double de ce qu’ils avaient avec Adidas. Chelsea, par exemple, tourne aux alentours de 10-15 millions d’euros. Après ce sont des clubs qui vendent des millions de maillots dans le monde entier et ce sont devenus de vraies marques internationales. Ces clubs ont des palmarès européens époustouflants. En France, nous avons gagné qu’une seule Champions League et l’Europa league n’a jamais été gagné et une Coupe des Coupes à notre palmarès. Et ça ce sont des éléments importants dans la valorisation d’un club. En France, on vend aussi moins de maillots, donc il y a tous ces éléments-là à prendre en compte. Le constat que j’en fait, c’est qu’on peut certainement s’améliorer. Mais il est vrai qu’il y a un décalage. Mais plus on aura de résultats plus on aura d’argent. Par exemple et c’est paradoxal, grâce à l’équipe de France 98 et de l’Euro 2000 ainsi que de la coupe du monde 2006, l’équipe de France est devenue l’une des plus grandes nations du football et, alors qu’elles avaient ses plus mauvais résultats, elle a obtenu son plus gros contrat d’équipementier qui est le plus gros du monde entier. Il n’y a aucune autre fédération qui a un contrat comme celui-là alors cela ne va peut-être pas durer, on ne sait pas mais l’équipe de France est une marque qui est reconnue à l’internationale. Si vous allez vous baladez dans les boutiques Nike dans le monde, vous trouverez les maillots de l’équipe de France. Par contre, vous ne trouverez pas celui du PSG". 

 

- Que pensez-vous justement de l’arrivée du Qatar au PSG ? Est-ce qu’elle va être bénéfique pour la Ligue 1et le championnat français ?

 

Vincent Tong Cuong : "Je pense que ça doit être bénéfique pour la Ligue 1. Pourquoi ? Parce que le Qatar doit et va investir de l’argent qui doit permettre à l’équipe de Paris d’être quasiment champion de France tous les ans, ça va un petit peu tuer le suspense en France, quoique c’est pas fait et on l’a vu cette année avec le parcours exceptionnel de Montpellier mais ça va permettre à terme à une deuxième équipe française  de se positionner pour gagner la Ligue des champions. La vraie problématique pour eux est d’attirer des grands joueurs. Mais en dehors de ça avec le budget, ils vont pouvoir jouer les premiers rôles en Ligue des champions. Donc oui ça va apporter à la Ligue 1 car ça va permettre au championnat d’avoir une exposition à l’internationale si on a une équipe qui commence à briller à l’internationale de manière récurrente et plus loin que le quart ou la demi-finale. Ca va tirer vers le haut les autres équipes car celles-ci vont très certainement vouloir se staffer ou en tout cas former des joueurs pour pouvoir rivaliser avec cette équipe ; qui sera une équipe de stars internationales. Ca ramènera des revenus en Ligue 1 puisque s’il y a beaucoup de stars qui jouent au Paris Saint-Germain, les droits internationaux de la L1 seront certainement plus élevés que ce qu’ils sont aujourd’hui. Pour moi, ça n’est que bénéfique. Maintenant, attention car il y a un risque de voir deux catégories d’équipes à l’avenir : Paris et les autres".

 

 

- Que pensez-vous du fair play financier que souhaite mettre en place Michel Platini ?

 

Vincent Tong Cuong : "Je pense que c’est une très bonne solution. Un des problèmes des clubs français pendant des années, ça a été déjà le gouffre contre la fiscalité qu’il peut y avoir en Angleterre ou en Espagne. Ces pays s’étant retrouvé dans des situations économiques dramatiques, tous les aménagements fiscaux faits pour les joueurs et notamment en Espagne ont été supprimé. Donc déjà ça réduit la différence. Après il y a les cas des charges sociales. Pour moi, il y a toujours un gros écart de charges sociales entre ces pays et le nôtre. Je pense qu’à terme et surtout en Espagne, ils vont être obligés d’augmenter leurs charges sociales. Ils ne vont pas pouvoir résorber leur déficit sans passer par cette case-là. Maintenant le fair play financier c’est une très bonne nouvelle notamment par rapport à l’Angleterre et aussi par rapport à l’Espagne car on va pouvoir jouer à peu près avec les mêmes règles. Aujourd’hui, un club comme Chelsea est champion d’Europe avec un déficit monstrueux alors certes comblé par un riche propriétaire mais quelque part ça crée un déséquilibre et une absence de suspens pour savoir entre quel et quel pays va se jouer la Ligue des Champions. C’est ça la problématique aujourd’hui pour l’UEFA. Si on regarde le palmarès des vainqueurs de la Ligue des Champions de ces dix dernières années, on va avoir Chelsea en 2012 qui perd beaucoup d’argent, Barcelone en 2011, c’est un cas à part mais qui reste très endetté. En 2010 c’était l’Inter de Milan, propriété de Moratti qui fait des déficits colossaux. Ce ne sont que des clubs de riches propriétaires. En 2009, c’était encore une fois Barcelone et en 2008, Manchester United. Manchester, c’est l’exception qui confirme la règle. Moi, je suis ravi parce qu’on va arrêter d’avoir des championnats qui dominent tout. L’Angleterre c’est déjà le championnat qui est le plus riche par ses revenus mais il est aussi le championnat le plus riche par ses propriétaires qui creusent des déficits monstrueux. Les clubs anglais ont des revenus exceptionnels mais le pire c’est que ces clubs aux revenus exceptionnels font des déficits colossaux comblés par les propriétaires. Donc l’écart est encore plus grand par rapport aux autres pays européens. Donc moi, je trouve que c’est bien car vela permettra de mettre au goût du jour une forme d’équilibre au niveau de l’Europe qui doit permettre à terme, à un club turc par exemple, ou à un club français pourquoi pas, d’avoir les mêmes règles, d’être autofinancé et de gagner de l’argent, puisque c’est le cas pour les clubs français, et donc quelque part là ou les clubs vont se battre c’est par les revenus. Après il y a un bémol au fair play financier c’est que ces richissimes propriétaires trouveront toujours des moyens de contourner la loi. Par exemple, le deal entre Eithiad et Manchester City ou Eithiad a payé de manière disproportionné  le naming et le sponsoring maillot de Manchester City. Ça permet de rentrer en revenus pour le club. C’est bien d’avoir mis cette règle en place mais néanmoins les clubs ne pourront pas faire tout et n’importe quoi, ils ne pourront pas passer demain un contrat de sponsoring d’un milliard d’euros car ça se verra trop et je pense que justement sachant que « toute règle est faite pour être contournée » quelque part, l’UEFA, je pense, mettra des pares feux sur ce genre de règle en limitant les montants des contrats de sponsoring ou en expliquant que les montants devront être en proportion avec la réalité du marché".

 

- Quel est le chiffre d’affaire de Sportfive ?

 

Vincent Tong Cuong : "On va dire un peu plus de 120 millions d’euros par an".


 

- Quel est le modèle économique de Sportfive ?

 

Vincent Tong Cuong : "Notre modèle économique est très simple. Nous sommes une agence, on gère des droits sur lesquels on signe des contrats de longue durée et on prend une commission sur ces droits. Sur l’ensemble de ce que l’on vend, on touche une commission mais on a des coûts aussi puisqu’à la fois à Paris, mais aussi dans les clubs, puisque dans les six clubs ou nous sommes présents, nous avons des salariés qui gèrent l’ensemble de la partie business donc sponsoring, hospitalité, évènements. Nous essayons de faire en sorte qu’entre nos produits, les commissions que l’on touche et nos charges, il y ait un surplus positif".

 

- Quelle est la ventilation du chiffre d’affaire par activité sportive ?

 

Vincent Tong Cuong : "C’est une très bonne question, je n’ai pas cette ventilation là parce qu’en fonction des pays on est plus ou moins présent dans le football et notamment en Asie, mais il y aussi le cricket, le golf. Aux Etats-Unis, il y a du golf. Je dirai qu’historiquement de part les acquisitions faites par le groupe Lagardère, on va dire qu’à 80% et je pense ne pas me tromper de beaucoup, les revenus de Lagardère Unlimited proviennent du football".

 

- Qui sont vos principaux concurrents ?

 

Vincent Tong Cuong : "On va dire que nos deux gros concurrents mondiaux sont IMG et In Front. Mair après pays par pays, il y a de plus petits concurrents qui se créent mais les deux gros mastodontes aujourd’hui sont, avec Lagardère Unlimited et Sportfive, IMG et In Front".

 

- Comment se situe Sportfive par rapport à ces deux gros concurrents ?

 

Vincent Tong Cuong : "On va dire que le numéro un mondial est IMG et que Lagardère Unlimited est au coude à coude avec In Front en terme de taille".

 

- Quels sont les axes de développement pour le futur ?

 

Vincent Tong Cuong : "On en a pleins et je ne pourrai pas tous vous les dévoiler. Mais il est évident qu’en France, notre objectif est de continuer à être présent et être plus présent encore dans l’univers du football mais se déployer aussi sur d’autres sports comme le rugby, la voile, le cyclisme qui sont des sports ou il y a matière à apporter de beaux sponsors et donc pour des agences comme la nôtre à travailler et développer des relations entre ces sports et les marques".


 

 

 

                                                                                                  Interview réalisée par Maxime Destampes

 



 


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